Calculs de cheminée : du rendement à la vitesse des fumées

Publié le par Yoghourt

(15 novembre 2012 : correction sur l'excès d'air supposé, qui passe de 20% à 50%)

(26 novembre 2012 : suppression du 80/20 arbitraire pour les cendres/charbons contre des chiffres plus réalistes)


J’ai une cheminée maçonnée. Bon, ok, c'est pas moi mais la maison, et en plus elle n'en a pas une mais plusieurs. Z'allez pas commencer à m'embrouiller l'esprit, non???

Bon, je reprends. Il y a une cheminée à réhabiliter dans la cuisine, sur laquelle nous allons raccorder une cuisinière bois. Ca va mieux écrit comme ça? Pfff... 


A priori, plusieurs options d’installation s’offrent à moi :

-          Tuber ou pas

-          Jouer sur le diamètre du tubage

-          Isoler entre conduit maçonné et tubage

-          Enfin, en ultime ressort, recourir à un modérateur de tirage ou un extracteur

 

Alors? Que fait on? C'est le point de démarrage de ma réflexion. Et cet article est le premier d'une série sur le sujet.

 

Dans le cas présent, on s’intéresse à :

-          une cheminée de h=9m de haut, en boisseaux de section S = 25x15, terminée par une cape italienne. Les boisseaux sont localisés au sein d’un mur plein

  • Le mur plein fait 50cm d’épaisseur, et est isolé par l’extérieur au moyen de 12cm de laine de verre, et protégé du vent dominant par un bardage

-          L’appareil de combustion est une cuisinière à bois bûche. On considèrera deux modèles :

  • L’appareil A est donné pour 11kW, 72.8% de rendement, fumées à 400°C, 0.3% de CO, buse diamètre 140. Le tirage nominal n’est pas indiqué clairement, aussi on supposera 10Pa.
  • L’appareil B est donné pour 7kW, 84% de rendement, fumées à 280°C, buse diamètre 120, tirage nominal 11Pa.

En France, les constructeurs ont obligation de fournir les informations nominales suivantes en plus de la puissance nominale et du diamètre de buse :

-          Rendement

-          Tirage (optionnel, la norme EN12450 indique une plage entre 5 et 20Pa)

-          Température de sortie des fumées (ou classe de température du conduit)

Et bien sûr le diamètre de la buse. Dans d’autres pays sont fournies les « données triples pour l’installateur » :

-          Température de sortie des fumées

-          Tirage

-          Débit des fumées

Lien entre rendement et vitesse des fumées

Pour faire des calculs de cheminée, on a plus besoin du débit des fumées (en kg/s) que du rendement de l'appareil. Comment passer de l'un à l'autre?


Voici la situation :puissance chauffage

-          Le foyer rayonne de la chaleur

-          Il réchauffe l’air de la pièce à son contact, qui va se mettre en convection

-          Le foyer envoie des fumées chaudes dans le conduit de cheminée

-          Et le cendrier collecte les imbrûlés : cendres plus ou moins charboneuses, braises qui tombent au travers de la grille et refroidissent en charbon

 

La puissance nominale Pnom du foyer correspond à ce qui est transmis par convection et rayonnement. Les pertes nominales sont l’énergie dans les fumées (dès la sortie de la buse) et ce qui tombe dans le cendrier. Le rendement correspond à la fraction de la puissance initialement fournie par le bois qui se retrouve dans la puissance nominale.

Pnom = e*Pbois
Pour Pnom = 11kW et e=72.8%, Pbois = 15.1kW

 

La puissance fournie par la combustion du bois correspond au débit de bois en kg/s moyennant son pouvoir calorifique inférieur :

Dbois = Pbois/ PCI = Pnom/e/PCI

 

Le PCI est de 4,0 kWh/kg pour du bois « sec », c’est-à-dire à 20% d’humidité.

Dans notre exemple, le débit de bois-bûche est Dbois = 11kW / 72.8% / 14400kJ/kg = 1.05g/s

 

Ca y est, on est passé en g/s, comme pour le débit des fumées ! Mais attention, le calcul n’est pas fini, loin s'en faut.

 

Le débit de bois consommé n'est pas le débit de ce qui brûle. C'est le débit de bûches. Il faut lui retrancher les cendres (2%, voir le prochain article sur les caractéristiques des fumées).
Dbois_brûlé = 0.98*Dbois = 1.03g/s

 

Ensuite, il y a les imbrûlés qui partent avec les fumées et les résidus charbonneux qui resteront dans le cendrier. Est-ce que ça a un impact significatif sur la détermination de la vitesse massique des fumées? Non.

 

Voici un article qui va nous aider à mettre des chiffres là-dessus.
THERMAL PERFORMANCE IN A CONVENTIONAL FIREPLACE AND IN AN INSET APPLIANCE

 

D'après ses auteurs, il y a des pertes énergétiques d'environ 3% dans les imbrûlés des fumées, et 0,5% dans les résidus charbonneux. A première vue, on se dit "magnifique, je n'ai qu'à reporter ces chiffres!". Oui mais non...
 D'un côté, les foyers fermés ont tous des rendements similaires dans cet article (~70%). De l'autre, l'expérience des utilisateurs des poêles de masse et autres foyers à très haut rendement est unanime : pas grand chose dans le cendrier ou quand on ramone. Ca justifie de prendre les chiffres de l'article, mais en proportion du rendement.
- pour les résidus charbonneux : (1-2%-e)*0.5%/(1-2%-70%)

- pour les imbrûlés des fumées: (1-2%-e)*3%/(1-2%-70%) = ~11%*(0.98-e)

Je vois déjà certains s'esclaffer en disant "ouah l'autre, c'est quoi ce raccourci? C'est du n'importe quoi, ça!" Oui et non. Je viens de donner des % du PCI du bois-bûche. Donc, au pied levé, oui, ce ne sont pas des pourcentages de masse. Si les imbrûlés étaient sous forme bois-bûche, on pourrait transposer directement en masse (à l'effet des cendres près sur le PCI).  Mais les imbrûlés sont plus concentrés en énergie que du bois. Quand on regarde le PCI du charbon, on voit qu'il faut compter le double. Autrement dit, moitié moins de masse pour une même quantité d'énergie. Soit :

- Dcharbon = ~1%*(0.98-e)*Dbois = 2.7mg/s
- Dimbrûlés = ~5%*(0.98-e)*Dbois = 15mg/s
Et bien c'est clair : le débit des imbrûlés ne jouera qu'à la marge sur le calcul du débit d'air comburant, et le débit de résidus charbonneux s'avère complètement négligeable en comparaison du débit de bois brûlé.

 

Le bois ne brûle pas tout seul, il lui faut un comburant : de l’air. Combien d’air ? Pour cela, on fait appel au volume comburivore (section 2.5.1 du document en lien), en m3/kg.
Va = PCI(en kj/kg) /4180

 

Evidemment, la combustion ne va pas se passer pile avec la bonne proportion d’air (condition stoechiométrique non réalisée). En pratique, on sera en excès d’air. On va supposer que dans les conditions nominales, l’excès d’air est de 50%. (*) Le débit d’air en jeu est alors :

Dair(volume) = Dbois*(1+50%)*Va

 
(*) Pour une justification du chiffre de 50%, lire l'article sur les caractéristiques physico-chimiques des fuméées

ou encore, en introduisant la masse volumique de l’air 1.2kg/m3 :
Dair = rho* Dbois*(1+50%)*Va

Soit donc dans notre exemple : Dair = 1.2*1.05*(1+0.5)*14400/4180=6.5g/s

 

Alors ? Qu’est-ce qui part en fumée ? Tout ce qui n’est pas resté dans le cendrier. On note qm le débit massique des fumées.

qm = 0.98*Dbois + Dair

qm = (0.98 + rhoair *(1+%excès d'air)*PCI/4180)* Pnom/PCI/e
(avec PCI en kJ/kg et Pnom en kW)

  

Dans notre exemple, Vf = 7.5g/s

Autre exemple puissance nominale 7kW et 84% de rendement à Vf = 4.15g/s

 

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui.

 

Rassurez-vous (ou l'inverse!), j'ai plein de choses supplémentaires dans l'escarcelle :

- lien entre rendement et température des fumées (en cours d'étude)

- calcul de la dépression statique (prêt, à rédiger sur le blog)

- situation générale et résistances thermiques en jeu (presque prêt)

- calculs de coefficient de transfert convectif (en cours d'étude, je bute sur un point)

- température de paroi

- tirage réel en l'absence de vent

- dilatation de la maçonnerie

- conclusions

Publié dans Réflexions diverses

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Z
Bonjour Yoghourt,<br /> <br /> Je suis désolé, mais je bloque dès le départ.<br /> <br /> Tu dis que Pnom = e Pbois...<br /> <br /> En fait, j'ai plutôt l'impression que Pnom ~ Pbois, et qu'il faut ensuite multiplier par le rendement si on veut connaître la puissance réellement utilisable pour chauffer la pièce, non ?<br /> <br /> Source = http://www.specialistes-air.com/poeles-bois.html
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M
Bonjour Zozoy,<br /> <br /> A défaut de dégainer directement la norme 13229 ou 13240, voici ce que rappelle le COSTIC :<br /> http://www.costic.com/sites/default/files/upload/la_reglementation.pdf<br /> Cf page 11 : &quot;Chaque appareil doit être marqué. Ce marquage doit comporter au moins [...] la puissance calorifique nominale délivrée à l'air ambiant en kilowatts [...]&quot;.<br /> <br /> C'est aussi ce que dit l'article en anglais que j'ai cité, quand il rappelle le mode de calcul de la puissance nominale.<br /> <br /> Pareil chez thermexcel &gt; Puissance nominale des appareils de chauffage au bois<br /> http://www.thermexcel.com/french/energie/chauffage%20chaudiere%20bois.htm <br /> Cf le titre du graphe : &quot;énergie utile&quot;.<br /> <br /> Et enfin, par l'exemple, voici des déclarations CE de plusieurs poêles. <br /> http://www.bordelet.com/pdf/dop_produits_jcbordelet.pdf<br /> où tu pourras constater que la puissance nominale est bel et bien la puissance utile émise dans la pièce quand il n'y a pas de bouilleur, alors que le rendement n'est pas de 100%.<br /> <br /> Ahem... Mieux vaut très vite oublier le site que tu cites. Au mieux, ils ont fait une erreur de compréhension (AMHA inadmissible pour des pros). Au pire, ils cherchent à vendre des poêles légers surdimensionnés!<br /> Ces &quot;spécialistes&quot; ne semblent apparemment pas connaître le principe du poêle de masse (dont le corollaire est l'ineptie totale du &quot;feu continu&quot;), ni savoir faire un feu efficace en top-down. <br /> Cdlt,<br /> Y.
W
Whether in the case of masonry or in the case of automobile performance smoke indices speed or rather the other way around.But we don’t have that freedom anymore as pollution is the biggest menace we are facing.
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