Calculs de cheminée : paramètres physiques des fumées

Publié le par Yoghourt

22 mars 2017 :
- mise en page rétablie + un lien cassé
- dans la mise à jour de 2012, il manquait la recopie de P, T, Pvsat dans le tout 1er tableau

- ajout du lien vers la feuille de calcul correspondante

21 nov. 2012 :
- alignement des pressions et températures de référence pour 280m d'altitude et 3°C en moyenne en hiver

 

triangle du feu

Il n’y a pas de fumée sans feu. Il n’y a pas de feu sans l’association entre un combustible, un comburant, et de la chaleur. C’est le triangle du feu.


Le comburant, c’est l’air aspiré par le poêle ou la cuisinière. Le combustible, c’est les bûches de bois. Passée la phase d’allumage, la chaleur est celle du feu lui-même et de la cuisinière. Et pouf, l’héritage de Prométhée est parmi nous :) Produits du feu : cendres, imbrûlés, et fumée qui s’évacuent via la buse de sortie de l’appareil par le conduit de cheminée.

(HF.0) Les fumées sont assimilées à un mélange idéal de gaz parfaits. Pas de réaction chimique entre ses constituants, pas de condensation des fumées, etc. Les éventuels imbrûlés en suspension dans les fumées (bistre, suie, …) seront négligés.

Tiens, tant qu’on y est, une touche de tétracapillectomie lexicale Smiley diablotin
La conséquence directe des hypothèse est qu’on ne devrait pas parler de fumées (solides en suspension dans un gaz) ni même de brouillard (liquides en suspension dans un gaz) mais bel et bien de gaz de combustion (ou de mélange gazeux).

1. Valeurs tabulées

Quelques formules magiques, et hop ! Voici les caractéristiques physico-chimiques des fumées. En jaune, les informations en entrée : conditions de l’air atmosphérique (voir l'article suivant, section "données de base"), surplus d’air lors de la combustion.

  % massique
(sec hors cendres)
% massique
(sec)
Fraction molaire
(sec)
Fraction molaire% massiqueMasse molaire
(g/mol)
Capacité thermique
Cp (J/kg/K)
Bois
(feuillu)
C48,0%46,9%  37,5%12 
H6,0%5,8%  4,7%1 
O45,8%44,8%  35,8%16 
N0,2%0,2%  0,2%14 
cendres 2,3%  1,8%  
Humidité    20,0%18 
         
AirPression100 989 Pa      
humidité relative80%      
Température276,15 K      
Pvsat761 Pa      
N2 76,7%79%78,5%76,4%281035
O2 23,3%21%20,9%23,2%32906
H2O   0,6%0,4%181835
Total     28,791008
Combustionexcès d’air50%      
FuméesN2 82,33%86,15%80,2%78,7%281035
CO2 9,33%6,22%5,8%8,9%44841
O2 8,33%7,63%7,1%8,0%32906
H2O   6,9%4,4%181835
Total     28,531 043

 

Ci-dessus, Pvsat dénote la pression de vapeur saturante, c’est à dire la pression de vapeur à partir de laquelle se condense l’humidité dans l’air (ou dans les fumées).

 

Ci-dessous, Pvap est justement la pression partielle de vapeur d’eau dans les fumées, dans les mêmes conditions que dans la table précédente.

Température (°C)

-10

0

10

20

39

50

100

125

200

250

300

350

400

Température (K)

263

273

283

293

312

323

373

398

473

523

573

623

673

Pvsat (Pa)

< 7 019

7024

12 396

101 653

> 101 325

Pvap (Pa)

7 019

Masse volumique (kg/m3)

 

1,11

1,07

0,93

0,87

0,73

0,66

0,60

0,56

0,51

 

Zone rouge : on remarque de suite que vers 40°C, les fumées condensent (Pvap > Pvsat). C’est maaaaal ! Je veux dire, c’est typiquement ce qu’on cherche à éviter. Il faudra veiller à ce que les fumées ne se retrouvent pas dans ces conditions, en particulier au niveau de la souche.

Zone range : il peut y avoir condensation selon les conditions atmosphériques, et selon l’excès d’air à la combustion.

Alternativement, on est sûr qu’il n’y aura pas de condensation au-dessus de 100°C quelle que soit la composition des fumées. En effet, vers cette température, la pression de vapeur saturante devient supérieure à la pression atmosphérique. Auquel cas, même si les fumées ne contenaient que de l’eau, elles ne condenseraient pas.

Ci-dessous, la courbe de la capacité thermique des fumées en fonction de l’excès d’air, pour une pression atmosphérique standard (1atm = 101 325Pa), un air à 80 % d’humidité relative et une température de -5°C (en bleu), 0°C (en noir), 10°C (en rouge). Cp est remarquablement stable (variabilité de 1.5% autour de 1037J/kg/K).

Capacité thermique isobare des fumées

Capacité thermique isobare des fumées

La masse volumique dépendra beaucoup de la température des fumées (effet volume). Mais côté masse, la variabilité selon les conditions atmosphériques et l'excès d'air est franchement négligeable : moins de 0,5 %

Masse molaire des fumées en fonction de l'excès d'air

Masse molaire des fumées en fonction de l'excès d'air

 Voilà. C’est magique

« Magique ? Comment ça magique ??? On ne me la fait pas à moi ! » O’Neil in Stargate SG-1.

Ah ah ah, ok, ok ! Nous allons lever un coin du voile d’Isis sur ces Mystères


2. Détermination de la capacité thermique des fumées

Pour nos calculs de déperdition de chaleur dans le conduit, nous ferons appel à la « chaleur contenue dans » les fumées. C’est à dire l’enthalpie des fumées H = m.Cp.T où classiquement m est la masse et T la température.

 

Pour calculer des variations de H en pratique, on a besoin de connaître Cp pour de bon. Hein ? "C" quoi ? C’est quoi donc ? Cp est la capacité thermique des fumées à pression constante, en J/kg/K.
Cp est aussi appelé capacité calorifique à pression constante, capacité massique, ou encore chaleur massique. A ne pas confondre avec Cv qui est la capacité thermique à volume constant. Ouais, c’est la fête, et il faut faire attention à deux fois (au moins) quand on cherche ce genre d’info pour des gaz. Pour les solides et les liquides incompressibles, le problème ne se pose pas : Cp = Cv dans les conditions usuelles.

 Pour un gaz parfait pur, Cp est une valeur tabulée fixe.
Pour un mélange de gaz parfaits, Cp est la somme pondérée des capacités thermiques de ses constituants. La pondération se fait selon la composition massique du mélange.

 

Qualitativement, qu’est-ce que ça donne ? On réalise la combustion de bois, qui contient principalement de la cellulose : carbone, hydrogène, oxygène, un peu d’azote, une pincée de souffre, divers minéraux. Et de l’eau. N’essayez pas de boire ce cocktail, c’est pas génial. Quoi ?... J’aime pas le zan, et alors ? Hum, bon, je m’égare...

 

Suite à une -bonne- combustion, le bois va sécher et brûler, en produisant gaz carbonique, vapeur d’eau, et cendres.
La combustion va consommer de l’oxygène issu de l’air comburant. L’azote et la vapeur d’eau qui y sont déjà ne seront que réchauffés.

On en déduit la composition qualitative des fumées, et sa capacité thermique qui en découle :
Cpf = Xco2*Cpco2+ Xh2o*Cph2o + Xo2*Cpo2+ Xn2*Cpn2
où Xco2 est la proportion en masse de CO2 et Cpco2 sa capacité thermique, etc.

 

Voici quelques capacités thermiques élémentaires, masses molaires, ainsi que le rappel de la composition élémentaire (molaire) et massique de l’air sec 

 Capacité thermique isobare
Cp (J/kg/K)
Masse molaire
M (g/mol)
% molaire dans l’air sec% massique dans l’air sec
Air sec à 27°C100628,965100%100%
Air sec à 227°C103028,965100%100%
AzoteN2103528,01378,0800%75,5139%
OxygèneO290631,99920,9500%23,1440%
ArgonAr50139,9480,9340%1,2881%
Gaz carboniqueCO284144,0100,0382%0,0580%
NéonNe 20,1800,0018%0,0013%
HéliumHe49974,0030,0005%0,0001%
Monoxyde d’azoteNO 30,0060,0005%0,0005%
KryptonKr 83,1801,14E-60,0003%
MéthaneCH4 16,0431,70E-60,0001%
HydrogèneH2143852,0165,00E-73,48E-8
Protoxyde d’azoteN2O 44,0135,00E-77,60E-7
xénonXe 131,2938,70E-83,94E-7
dioxyde d’azoteNO2 46,0062,00E-83,18E-8
ozoneO3 47,9981,00E-81,66E-8
radonRn 221,9706,00E-204,60E-19
Vapeur d’eauH20183518,015n.c.n.c.
CarboneC 12,011n.c. 
HydrogèneH 1,008n.c. 
OxygèneO 15,999n.c. 
AzoteN 14,007n.c. 

Attention, les valeurs de capacités thermiques isobares indiquées dans plusieurs articles sous wikipédia sont largement erronées. La valeur usuelle française de 1410J/kg/K pour la vapeur d'eau itou. Il suffit de calculer Cp(air) selon la méthodologie ci-dessus pour s'en rendre compte.
Voici mes sources, à défaut d'avoir un handbook of chemistrical properties.
- L'article wikipedia sur l'air (les valeurs concordent avec mes autres sources)
- Pour la vapeur d'eau, cette source est en ligne avec l'article wikipedia
en anglais sur la vapeur d'eau. Une autre source (thermexcel) donne un valeur encore plus grande (2027J/kg/K à 1bar). La différence est non négligeable vis à vis du 1410J/kg/K qu'on rencontre assez régulièrement en France...
- Pour les autres gaz: l'encyclopédie d'air liquide, qui donne la masse molaire, et Cp en s à 1atm et 25°C en kJ/mol/K.

En grisé, ce sont tous les gaz qu’on va négliger par la suite dans la composition de l’air sec. Comme ils n’entrent pas ou quasiment pas dans la combustion du bois, on les assimilera à de l’azote.

 

(justification HF.0) Pour un gaz réel pur de composition simple, Cp varie légèrement en fonction de la température. Voir l’article éponyme sur wikipédia pour plus de détails. Pour un mélange réel, il faut aussi prendre en compte les éventuels équilibres chimiques entre constituant, ainsi que les phénomènes de changement d’état selon la température et la pression. On se convaincra de la validité de l’hypothèse en pensant que :

  • la variabilité de Cp pour nos gaz purs reste faible dans notre domaine d’étude (quelques centaines de °C).

  • pour notre modèle de base, l’air sec, la variabilité de Cp en fonction de la température reste faible (5 % entre 250 et 600K).

  • on cherche justement à éviter la condensation des fumées, en particulier de l’eau contenue dans les fumées.

  • la température des fumées dès la buse de sortie de l’appareil n’est pas suffisante pour que le CO2 se dissocie en CO et O2.

  • On vise une bonne combustion, avec très peu d’imbrûlés, un excès d’air, et une température de fumées trop basse pour qu’il y ait réaction chimique notable entre imbrûlés et CO2 (pas de carboréduction).

Restera à déterminer quantitativement la composition des fumées...


3. Détermination de la masse volumique des fumées

Pour nos calculs de tirage dans le conduit, on aura besoin de la masse volumique des fumées ρf . Par exemple, ρf= Mf / Vf où Mf est la masse molaire des fumées et Vf son volume molaire.

 

La masse molaire d’un mélange de gaz parfaits sans interaction est la somme pondérée des masses molaires de ses constituants. C’est un peu comme pour Cp, sauf que la pondération se fait selon la composition molaire du mélange au lieu de la composition massique.
Mf = co2*Mco2 + h2o*Mh2o + o2*Mo2 + n2*Mn2
où « co2 » est la fraction molaire de CO2 dans les fumées, et Mco2 sa masse molaire, etc.

Pour le volume molaire, c’est super simple. Qui dit gaz parfait dit PV = nRT. Pour n=1, le volume est le volume molaire, et vaut V=RT/P. Bête comme chou

 

(HF.1) Pour le volume molaire, on considérera que la pression est constante et égale à Pref.

 

(justification HF.1) D’après les calculs approximés du tirage naturel d’un conduit, on connaît l’ordre de grandeur de la variation de la pression des fumées. C’est 100Pa autour de la pression Pref au pied du conduit. Elle-même reste assez proche de la pression standard 1atm=101325Pa. Autrement dit, la variabilité de Pref n’excédera pas 100/100 000 = 0.1%. Cela justifie en soi l’approximation. Elle est doublement justifiée quand on considère en plus que la pression atmosphérique réelle varie aisément de 5% selon la météo !

 

La masse volumique des fumées en fonction de leur température Tf est :
ρf= Mf * Pref / (R * Tf)

R étant la constante des gaz parfaits = 8,31...J/mol/K.

 

(justification HF.0) Les remarques sont les mêmes que pour Cp : la masse et le volume molaires d’un mélange de gaz réel sont variable sur le principe, mais on peut les négliger dans notre cadre. Fondamentalement, c’est parce que les effets sur la masse et le volume molaire du mélange réel ont les mêmes causes : la conformation des molécules selon les conditions de pression et température, et les interactions dans le mélange.

 

Bonnet blanc et blanc bonnet. Décidemment, il nous la faut, cette composition des fumées…


4.Lien entre fraction molaire et fraction massique

On a indiqué à la section précédente comment se détermine la masse molaire des fumées. Exprimée pour une mole, la fraction massique d’un constituant d’un mélange sera la proportion entre la masse représentée par la fraction molaire de ce constituant, et la masse molaire du mélange. C’est à dire :

Fraction massique du corps pur Y = fraction molaire de Y * masse molaire de Y / masse molaire du mélange

 

Avec les notations qu’on utilise par ailleurs dans cet article, ça donne par exemple pour le CO2 dans les fumées :
Xco2 = co2 * Mco2 / Mf

 

La somme des fractions massiques, sans surprise, vaut 1.
La somme des fractions molaire aussi, ce qui nous sera utile pour remonter à la masse molaire à partir des fractions massiques :
Σi = 1, Xi = i*Mi/Mf => Σ (Xi*Mf/Mi) = 1
d’où Mf = 1/ (Σ Xi/Mi)


5. Détermination de la composition des fumées

Bon, revenons à nos fumées… Que contiennent elles ?
De l’air comburant modifié par la combustion du bois.

Composition de l’air comburant consommé

L’air comburant est humide. La part de vapeur d’eau dans l’air, ça, on a, via l’humidité relative %hr = Pv/Pvsat.
Ah bon ? Si si...
La fraction molaire de vapeur d’eau dans l’air humide est par définition v = nv/n où nv et n sont les nombres de moles de vapeur d’eau et d’air humide. Les deux sont assimilés à des gaz parfait dans le même volume V et à la même température T. C’est-à-dire :
v = (Pv.V/R.T) / (Pref.V/R.T) = Pv/Pref
v = %hr. Pvsat / Pref

 

La pression de vapeur saturante en fonction des pression et température ambiantes sera donnée dans la prochaine section.

 

Une mole d’air humide contient ainsi v moles de vapeur et (1-v) moles d’air sec. La composition de l’air sec est assimilée à 21% d’oxygène et le reste d’azote. Il vient leurs fractions molaires dans l’air humide :
o2 = (1-v) * 21%
n2 = (1-v)*(1-21%)

Composition du bois carburant

Sur le principe, qu’est-ce qu’il nous manque encore pour connaitre la composition de nos fumées ? Les gaz de combustion par exemple. Qu’est-ce qui brûle ? Le bois. On retient la composition suivante pour le bois sec, tirée de ce document page 21 :

% massique

C

H

O

N

Cendres

Hêtre

46,9%

6,2%

46,2%

0,1%

0,6%

Chêne

47,0%

5,5%

43,4%

0,4%

3,8%

Moyenne

46,9%

5,8%

44,8%

0,2%

2,2%

bois sec hors cendres

48,1%

6,0%

45,9%

 

 

Masse molaire (g/mol)

12,01

1,01

16,00

14,01

7,8

% molaire

31,3%

46,3%

22,4%

 

 

En bleu, ce sont des valeurs qu’on a calculées comme suit...

 

Tout d’abord, on ne s’intéresse qu’aux fumées => exit les cendres.


(HF.2) Ensuite, on voit que la fraction d’azote dans le bois est faible. On va la négliger itou.

 

On a vu le lien entre fraction massique et fraction molaire. On va noter M la masse molaire du bois sec hors cendres. On aura  :
c = Xc.M/Mc
h=Xh.M/Mh
o=Xo.M/Mo

Et la masse molaire du bois gazéifiable anhydre (ouais, ça en jette plus que « bois sec hors cendres »  ) :

M = 1 / (Xc/Mc + Xo/Mo + Xh/Mh)

 

Connaissant M, on peut maintenant remonter aux fractions molaires c, h et o.
Attention, cette masse molaire M correspond à une pseudo-molécule de bois de composition CcHhOo. Si on change de convention, par exemple en posant c=1, les coefficients changent en proportion, et on obtient alors la « masse molaire du bois gazéifiable anhydre » M’ = 1/c * M. Pour être précis, M’ est la masse molaire de CHh/cOo/c. Aussi, méfiance sur le vocabulaire quand on compare plusieurs articles

Produits de combustion et résidus de l’air comburant

Maintenant qu’on a la composition du « bois qui brûle », on va regarder quels sont les produits de combustion et en quelles proportions. Pour faire simple :

  • l’humidité du bois se vaporise
  • le carbone du bois se lie avec de l’oxygène pour faire du gaz carbonique
    On néglige ici le monoxyde de carbone, au prétexte que les appareils de combustion ayant un rendement correct, et qui sont correctement utilisés génèrent moins de 1% de monoxyde de carbone.
  • l’hydrogène du bois se lie avec de l’oxygène pour faire de la vapeur d’eau
  • l’azote est libéré sous forme gazeuse

Pour faire compliqué, vous pouvez vous amusez à décortiquer la section 2.2 du dernier pdf que j’ai cité. Attention, je ne fournis pas l’aspirine. 

 

Les réactions chimiques qu’on va retenir sont les suivantes :

H2O(liquide dans le bois) → H2O(vapeur)

__O2 + CcHhOoNn → __CO2 + __H2O + __N2

On équilibre cette dernière équation chimique générique :

(c+h/2-o) O2 + CcHhOoNn → c CO2 + h/2 H2O + n/2 N2

Ca y est, on a nos proportions de gaz carbonique et d’eau dans les fumées. Au passage, on a aussi la quantité -en moles- d’oxygène comburant strictement nécessaire à la réaction :
c+h/2-o = 0.32

 

Ca y est ? On en tire notre quantité d’air consommée ?
Presque ! La combustion ne se fait pas dans les conditions chimiques idéales pile poil. En fait, on fait rentrer plus d’air que besoin.

 

(HF.3) Faute de mieux, on va supposer que la combustion se fait avec un excès d’air e=50% (en volume!). C’est-à-dire une bonne combustion sans surtirage flagrant.

 

La quantité air comburant va ainsi correspondre à une quantité initiale d’oxygène (c+h/2-o) * (1+e). Après combustion, il restera dans les fumées une quantité d’oxygène (c+h/2-o) * e. Comme on connait les proportions n2/o2 et h2o/o2 dans l’air comburant, on en tirera la quantité d’azote et de vapeur d’eau issue de l’air dans les fumées.

 

(justification HF.3) Oui, je sais, c’est très pifométrique ce 50%. De toute façon, je n’ai pas de sonde lambda pour faire des mesures sur mon poêle, ni d’article de fond sur le sujet

N’insistez-pas, dis-je.

Pfff… Bon, ok, je vais me fendre d’un peu de recherche. Et, j’avoue, j’avais initialement retenu un chiffre de 20% en me basant sur le papier de F. Elie. Le papier ci-dessous fait apparaître des valeurs différentes.
http://www.scd.uhp-nancy.fr/docnum/SCD_T_2005_0206_BERNARD.pdf
Section 2.3.2.1 : la combustion du bois (plaquettes) vue sous l’angle du taux de monoxyde de carbone apparaît optimale pour un facteur d’air 1+e=1,5. Je suppose que les tests normatifs des poëles à bois sont menés de façon à être à cet optimum, de façon à gratter au max pour la puissance nominale. Ça vous ira comme justification ? De toute façon, j’en ai pas d’autre, na !

 

(justification HF.2) Dans notre hypothèse (HF.2), on force Xn=n=0. Sans cette hypothèse, on peut déduire la quantité d’azote N2 issu de la combustion qui va se retrouver dans les fumées. Le calcul donne environ 0.5% en fraction molaire, autrement dit 0,005 mol d’azote pour 1 mole de bois gazéïfiable anhydre.
Sachant qu’on compte 100%-21%=79% d’azote dans l’air, un volume d’air contenant 0.32 moles d’oxygène contiendra 0.32*79%/21% mol= 1.2 moles d’azote.
Cela signifie que la combustion stœchiométrique d’une mole de bois gazéïfiable anhydre va libérer 0,005 moles d’azote contre 1,2 moles amenées par l’air comburant. Et en plus la combustion réelle se fait en excès d’air. Donc, oui, la part d’azote dans le bois de chauffage est complètement négligeable vis-à-vis de la composition des fumées.

 

On a tout  maintenant ? Oui, on a tout. Il ne reste plus qu’à assembler tout ce bazaar.

Calcul de la composition des fumées (enfin!)

On va mener le calcul sous l’angle des masses à partir d’une mole de bois sec hors cendres. On cherche :

  • la masse de gaz carbonique et vapeur d’eau résultant de la combustion

  • la masse de vapeur d’eau initialement dans le bois, et qui se retrouve dans les fumées

  • la masse d’oxygène résiduel dans les fumées

  • les masses d’azote et de vapeur d’eau issues de l’air comburant

  • la masse de la fumée qui résulte du mélange de tout ça

Soit une masse de bois gazéifiable anhydre M.


Comme M est aussi ma masse molaire du bois gazéifiable anhydre, on obtient de suite les masses de gaz carbonique et vapeur d’eau qui résultent de la combustion :
mco2 = c * Mco2
mvc = h/2 * Mh2o

 

La masse molaire M résulte de la gazéification d’une masse Mba du bois anyhydre hors cendres :
M = Mba – Xcendres.Mba
<=> Mba = M / (1-Xcendres)

Le bois anhydre est ce qui reste une fois qu’on ait asséché le bois :
Mba = Mb – me
où Mb est la masse de bois brut et me la masse d’eau dans le bois brut. La teneur en eau t est de 20 % :
me = t*Mb
donc Mba = Mb – me = me/t - me
On en tire la masse d’humidité vaporisée qui se retrouve dans les fumées :
me = t/(1-t) * Mba
me = t/(1-t) *M / (1-Xcendres)

 

La combustion de cette « mole » de bois gazéifiable anhydre consomme une quantité d’oxygène c+h/2+o en moles. La combustion se fait avec un excès d’air e compté en volume, ce qui revient à compter en moles pour nos gaz parfaits. On en déduit la masse d’oxygène résiduel dans les fumées :
mo2 = (c+h/2+o)*e*Mo2

 

De la composition de l’air comburant, on tire la proportion d’azote par rapport à l’oxygène, puis la masse d’azote dans les fumées :
n2/o2 = (1-21%)/21% = 3.762
mn2 = (c+h/2+o)*(1+e) * 3.762 * Mn2

 

On procède de même pour la vapeur d’eau  de l’air comburant :
v/o2 = v/(1-v).21%
mv = (c+h/2+o)*(1+e) * v/(1-v)/0.21 * Mh2o

 

La masse totale de vapeur d’eau dans les fumées est la somme des contributions.
mh2o = mv + mvc + me
On obtient enfin la masse totale des fumées pour pour 1 mole de bois gazéifiable anhydre :
mf = mco2 + mh2o + mo2 + mn2

Abracadabra, nous avons bouclé la composition massique des fumées ! Pour chaque constituant y :
Xy = my / mf

 

A partir de ça, on peut enfin calculer la capacité thermique des fumées, puis remonter via l’enthalpie à la température des fumées dans le conduit.
En parallèle, cela nous donne accès à la masse volumique via la masse molaire Mf, ce qui nous permettra d’alimenter nos calculs de tirage.
Même remarque que pour la masse molaire du bois gazéifiable anhydre, Mf est plus précisément la masse molaire de la pseudo-molécule (CO2)co2(H2O)h2o(O2)o2(N2)n2.
Au passage, on peut aussi calculer la composition élémentaire des fumées. En pratique, seule la fraction molaire de vapeur d’eau nous intéresse vraiment. Elle nous donnera accès à la pression de vapeur d’eau, qui est nécessaire pour vérifier le risque de condensation des fumées. On va en parler tout de suite...


6.Limite de condensation des fumées

On suppose régulièrement qu’il n’y a pas condensation des fumées. Comment s’en assurer ?
Pour cela, on s’intéresse à la pression partielle de vapeur d’eau dans les fumées :
Pvap = h2o * Pf
où Pf est la pression des fumées. Au tirage près, Pf ~ Pref pour le calcul de Pvap. C’est est une approximation largement suffisante en regard de la variabilité de Pvap aux conditions atmosphériques et aux conditions de la combustion. Ci-dessous, la pression de vapeur des fumées sous pression standard 1atm=101325Pa, et un air comburant à 80 % d’humidité relative à la température de-5°C (bleu), 0°C (noir), 10°C(rouge).

Pression de vapeur selon l'excès d'air

Pression de vapeur selon l'excès d'air

La limite de condensation est atteinte dès lors que Pvap atteint la pression de vapeur saturante. C’est donc le maximum de Pvap qui va nous intéresser, et il se situe vers 9000Pa.

 

La pression de vapeur saturante dépend essentiellement de la température, et un tout petit peu de la pression atmosphérique (ou de celle des fumées). Faute de mieux, et au vu de la composition des fumées, on appliquera les formules de l’air aux fumées. Pour un calcul un tant soit peu précis, les formules de Duperray ou de Rankine sont à l’ouest. J’utilise des formules conformes à [ASHRAE /Tenwo01b] :

pour T<0°C, Pvsat = (1,0003+4,18e-8*Pref)*611,15 * exp((23,85 - T/333,7) * (T-273,15)/ (T+6,67))
pour T>=0°C, Pvsat =(1,0007+3,46e-8*Pref)*611,21 * exp((19,84 - T/234,5) * (T-273,15)/ (T-16,01))

(Note 22 mars 2017 : c'est une repompe de la formule de Buck de 1981. Voir mon article qui cause spécifiquement de la tambouille des formules Pvsat pour plus de détails)

Voici ce que ça donne à pression standard Pref = 101325Pa = 1atm.

Pression de vapeur saturante (selon Tenwo01b)

Pression de vapeur saturante (selon Tenwo01b)

La pression de vapeur des fumées ne dépend pas de la température des fumées. En tout cas, tant qu'il n'y a pas condensation! Elle dépend juste des conditions atmosphériques et de la combustion.

À Pvap « constant », la température pour laquelle Pvsat touche Pvap est le point de rosée. On a vu que Pvap vaut au maximum dans les 9000Pa. Avec la courbe ci-dessus, on en déduit que le point de rosée sera au maximum de l’ordre de 45°C. C’est la température de fumées en dessous de laquelle on s’interdit d’aller, quitte à engager des travaux d’isolation du conduit pour le garantir.

 

Il faudra rester particulièrement vigilant concernant la température des parois du tubage, surtout au niveau de la souche. C’est là que le risque de condensation sera le plus important.


7. Formules tabulées

On va regrouper tous nos bouts de formules dans une jolie table

     

    Ensemble des formules utilisées

    Ensemble des formules utilisées

    En jaune, ce sont les valeurs à partir desquelles le reste est calculé. A savoir :

    • la teneur en eau du bois, et cendres, sa composition CHO
    • l’excès d’air à la combustion (en % volumique)
    • température, pression et humidité relative de l’air
    • diverses masses molaires et capacité thermiques élémentaires
    • et, pour la masse volumique des fumées, la température des fumées

    Télécharger la feuille de calcul "paramètres physiques des fumées.ods"
    et sa licence.


    Voilà,voili, voilou. C'est tout pour aujourd'hui.
    Allez, pour ceux qui ne sont pas déjà en train de ronfler sur leur clavier/smartphone/tablette,
    le mot de la fin :
     

    Bonne nuit les petits

    Publié dans Réflexions diverses

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    A
    beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une découverte et un enchantement.N'hésitez pas à venir visiter mon blog au plaisir
    Répondre
    A
    Bonjour, tres bon travail, puis je demander de me donner un lien pour avoir le tableau de calcul. <br /> Cordialament
    Répondre
    M
    Bonjour,<br /> Après une certaine dose de bataille avec un bug bizarroïde de LibreOffice, ça y est, c'est en ligne!
    D
    Bonjour,<br /> <br /> Je tiens à vous remercier pour vos explications, ils sont TOP! <br /> J'ai une question par rapport la pression de saturation de la vapeur d'eau qui dépend de la température et de la pression. En effet, j'aimerai savoir dans ces formules : <br /> pour T<0°C, Pvsat = (1,0003+4,18e-8*Pref)*611,15 * exp((23,85 - T/333,7) * (T-273,15)/ (T+6,67))<br /> pour T>=0°C, Pvsat =(1,0007+3,46e-8*Pref)*611,21 * exp((19,84 - T/234,5) * (T-273,15)/ (T-16,01))<br /> quelle température faut utiliser pour calculer Pvsat ? <br /> <br /> Aussi j'ai une question concernant l'humidité, comment peut on calculer l'humidité relative à partir des conditions de l'air (températures, pression ...) ? <br /> <br /> Je vous remercie d'avance.
    Répondre
    M
    Bonsoir,<br /> T est la température de la vapeur d'eau. Si on est en train de travailler sur l'air comburant, c'est la température extérieure. Si on est en train de travailler sur la fumée, c'est la température des fumées.<br /> Pour l'humidité relative, voir le début de la section 5 de l'article. Elle fait partie des conditions de l'air extérieur, au même titre que la température et la pression. Tout bonnement parce que la grande majorité des capteurs hygro donnent directement l'humidité relative (plutôt que l'humidité absolue, ou la presison de vapeur).
    D
    Bonjour. J'ai une question qui traite de la chaleur spécique des fumées. Peut-on déterminer cette chaleur ou donner une valeur approximative pour la combustion d'un brut moyen au sein d'un four ? Et dans ce cas quelle sera sa valeur dans la fourchette de température de fumée comprise entre 200 et 230 dégrés celcius ?
    Répondre
    M
    Bonjour,<br /> Chaleur spécifique est l'ancien nom pour la capacité thermique massique Cp. Elle est traitée dans la 2e partie de l'article. Je vous enjoints à relire l'hypothèse HF.0 et sa justification plus loin. La variabilité de Cp en fonction de la température apparaît secondaire vis à vis de la variabilité du combustible (ou du réglage manuel de l'appareil de combustion!).
    A
    Bonjour,<br /> <br /> Dans votre 1er tableau, vous trouvez Mf = 28,53 g/mol. Je n'arrive pas à trouver la même chose en faisant (comme indiqué dans votre texte) Mf = somme(fraction molaire i * Mi). Pouvez vous détailler votre calcul? Merci.<br /> <br /> Adrienne
    Répondre
    M
    Bonsoir,<br /> Peut-être une confusion entre les chiffres de fraction molaire et fraction massique?<br /> La formule utilisée pour calculer Mf=28,53g/mol est basée sur les fractions massiques, comme indiqué dans le dernier tableau, qui récapitule les formules. Voici le détail de son application numérique (en approximant un peu pour faciliter la lecture) :<br /> 28,59 = 1/(79%/28 + 8%/32 + 4%/18 + 9%/44)<br /> L'application numérique à partir des fractions molaires donne :<br /> 28,54 = 80%*28 + 7%*32 + 7%*18 + 6%*44 <br /> <br /> Cordialement,<br /> Y.