Humeur fer au viaire...
(cliquer sur l'image pour la fabuleuse chanson "tchou tchou le p'tit train")
Le bras d'honneur de Dorothée, ça pourrait être celui de notre cheftaine Seuneuceufeu (Josiane Beaud) aux usagers et autres contribuables.
Le 9 décembre, coupure d'un an de la ligne Grenoble-Valence avec substitution par bus. Non pas par les bus Transisère, ça aurait été trop logique. Par des bus "SNCF". On nous annonce fièrement que c'est une première jamais faite, et tout aussi fièrement que tout va bien se passer grâce à l'expérience des coupures estivales.
Ben tiens... Je n'ai pourtant pas souvenir que les coupures estivales aient mobilisé des autocaristes suédois.
Et les pôvres usagers qui prendront un car de substitution, puis correspondance à Moirans pour enfin arriver à Grenoble, ceux-là goûteront l'humour de la coupure de la ligne StAndré le
Gaz l'été prochain. Je vous dis pas le bazar à venir dans la minuscule gare de Moirans, déjà surchargée.
M'enfin, passons. Ce bras d'honneur, pour aujourd'hui, c'est surtout celui de Guillaume Pépy (SNCF) adressé à son pote Du Mesnil (RFF) ainsi qu'à Bruxelles. Il faut dire que la jeune Dorothée est quand même beaucoup plus mignonne (de face dirait Cabu) que la tronche sexagénaire col blanc de Pépy, non?
Quoi, vous n'avez pas ouï ou pas compris l'ampleur du KO retentissant infligé par la SNCF à RFF et Bruxelles en un seul et même uppercut?
Ok, ok, je vous fais un petit topo...
Jusqu’en 1997, la SNCF possédait tout le ferroviaire, du contrôleur poinçonneur aux traverses en passant par l’exploitation commerciale du fret ferroviaire. Or, depuis 1983, la SNCF n’est plus une administration publique. C'est une EPIC. Une entreprise publique à intérêt commercial.
Mais mais mais?!? Une entreprise, fusse-t-elle publique, avec un tel monopôle carrément inscrit dans la loi? C’est rigoureusement interdit par les règles européennes. Nos chers politiciens et technocrates ont alors pondu RFF en 1997. RFF, propriétaire des rails et de l’infrastructure, et donc maître d’ouvrage des travaux. Ce qui permet théoriquement la vraie ouverture du marché ferroviaire. Mais RFF pas pleinement exploitant, ni même gérant, ni unique maitre d’œuvre des travaux. Il faut compter avec "SNCF infra"…
Alors, forcément, quand la SNCF demande des travaux ou de l’entretien à RFF, RFF est le plus souvent obligé de s’adresser à SNCF infra. SNCF infra facture des sommes folles (z'allez comprendre pourquoi). RFF prend son pourcentage comme tout intermédiaire, mais ne pratique pas vraiment les tarifs que RFF voudrait. Bien sûr, SNCF refacture le coût des travaux un peu dans le billet, et beaucoup dans les financements publiques à coup de péréquation. Sauf qu’une grosse partie du budget va in fine à SNCF infra, donc les travaux et l’entretien ne coûtent pas tant cher à la SNCF.
Par contre, pour une autre boite qui chercherait à s’implanter, C’est facture plein pot sans marge arrière. C’est pour ça que l’ouverture à la concurrence du ferroviaire français n’a jamais vraiment marché.
Spécificité franco-française qui fait hurler pas mal de monde… En Europe. En France, les médias s'en foutent, les politiques se disent que les prix sont normaux au vu des appels
d'offre auxquelles seuls RFF ou SNCF infra peuvent répondre de toute façon. Les contribuables? "Fainéants de cheminots qui font grève tout le temps." La réflexion ne va pas plus loin, faut pas
trop en demander. SNCF? Bah, ça a l'air d'une affaire qui tourne.
RFF? A-ah, bonne question. RFF se retrouve depuis sa création le cul entre 2 chaises SNCF, et –à ce que je comprends- peine à faire de la marge en dehors des grands travaux. C'est pour ça
qu'ils ont essayé de phagocyter SNCF infra depuis le début : 1997.
Retour au présent.
Après 15 ans de bataille politique et juridique, Pépy a gagné (juste avant de partir en retraite) et DuMesnil a perdu (y compris son job). Le politique a décidé que c’est RFF qui se ferait phagocyter par SNCF infra, le tout rattaché à la SNCF.
A moins d’un nouveau tour de passe-passe légal digne de Mandrake le magicien, cette nouvelle entité ne pourra être en conformité avec les règles européennes. Ce qui devrait
donner les mains libres à la SNCF pour tacler toute la concurrence pour les 10 à 15 ans à venir (comme entre 1983 et 1997), y compris côté tram-train, fret. Et toute latitude pour foutre encore
plus le souk dans les bureaux d’études de bombardier/alstom afin de fabriquer des trains pas-chers-qui-coûte-plus-cher Fonctionnement par temps de pluie ? Payez l’option printemps. Des
feuilles mortes à l’automne ? Payez l’option antipatinage ou le forfait maintenance des bogies. Les stores et la clim? Ah, là, c'est de série mon bon monsieur. Quoi? Une version qui
fonctionne en période quasi-caniculaire (=vrai été)? Ouh là, il va falloir programmer des maintenances. Au minimum. Des trains qui roulent durant les grands froids? Hé hé hé, Bombardier, c'est
canadien (*), et on a jamais vraiment eu de souci avec les vieilles michelines et les vieilles rames (**). On connait, le froid. Pas de pr... Euh, on va quand même mettre en place un "plan
grand froid" et rappeler par précaution tous les nouveaux trains, rapport aux joints des valves de freins. Ma brave dame, mon cher élu, comprenez qu'un plan grand froid, c'est tout de même pas
gratuit. Allons, voyons..
Il est doux-amer de se rappeler le leitmotiv du sketch des Inconnus sur les publicistes : "il ne faut pas prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont".
Je vous conseille la lecture de cet article, en particulier le bilan. "Achat peu judicieux", "commande d'automoteurs n'étaient pas possible, les régions n'étant pas prête à [les] financer". Point de vue de cheminot dans le vent, pas partagé par les vieux cheminots et les usagers quotidiens.