Merci Durix!

Publié le par Yoghourt

La lecture du livre de C.Durix Le sabre et la vie m'inspire quelques réflexions et me fait réagir viscéralement.

 

Cet excellent livre se lit comme du petit lait, presque d'un trait. Beau paradoxe, vu que sa superstructure tient plus du pot pourri : explications étymologiques sur les kanjis décrivant les concepts clé de la démarche du Budo, du Iaïdo, décortiquage à la sauce de l'auteur du kata Mae de l'école Seiteï  Iaï, récits autobiographiques, pensées, anecdotes et mythes, et l'incitation à pratiquer comme filigrane permanent.

Du bas de mon inculture, je ne connaissais l'auteur ni de nom, ni de réputation avant que mon prof de Iaido ne me conseille cette lecture. Elle lève un coin de voile sur apparemment un grand bonhomme au parcours déjà bien incroyable alors que je n'en suis qu'à un peu plus de la moitié du livre. L'on constate la difficulté à être humble quand on a l'envergure d'un albatros, même et surtout pour un 5e Dan bourlingueur, écrivain, bâtisseur durant les années 55-70 de l'importation en Europe de plusieurs pratiques martiales et spirituelles, et devenu instructeur/renshi dans certains domaines.

 

Là est difficile de jauger le cheminement réel du néophyte/pratiquant à l'aune du haut-gradé/écrivan.

 

Du coup, cela m'incite à noter un peu mes réflexions maintenant, en vue de pouvoir me relire plus tard et voir le tracé de mon propre chemin. Peut-être aussi noter les techniques abordées, les 2 points principaux à travailler ou surveiller.

 

Par exemple, j'ai noté que je suis infoutu de suivre un cours en parfait silence. Je me sens obligé de verbaliser dans ma pratique, au moins un peu. Est-ce si difficile de n'être pie bavarde? Et bien, oui! Et pourtant, non : ma pratique tend à être silencieuse lors des stages (Vedène, Sorgues, Chambéry). Et je n'ai pas l'impression d'être en cela un cas isolé. Le choix de cet exemple ne peut être anodin. A méditer, à aplanir...

 

Mon coude droit est encore en vrac depuis la chute d'une miss dessus lors d'un randori. Comme quoi, récupérer ses abatis devrait venir avant de faire un cliché de la situation! Il y a quinze jours, notre prof de iaïdo m'a montré que la position de mes mains sur le sabre demandait une pronation plus prononcée (paumes plus orientées vers le bas, lignes de chance alignées sur le dessus de la poignée). C'est la position finale du fameux "essorage de torchon" à effectuer lors de la coupe. J'ai illico constaté que cela fait relacher la pression dans les mains. Magique!!! En principe, cela devrait aider à se libérer de la sensation de frappe-bûcheron avec forte tension dans les épaules, et mettre moins de force dans la main droite. En pratique, ce week-end, boouuuuuh, c'est pas gagné corporellement, y compris l'essorage. Malgré un coude qui crie suite à toutes ces tensions inopportunes. Surtout avec un sabre lourd de l'avant comme le mien!

L'on compense par la force le manque de précision. Cela fait au mieux illusion pour le public qui n'a le sens de l'esthétique, et illusion pour soi de vitesse et puissance. Quand à l'efficacité? Une femme quinquagénaire de 1m50 maxi m'a fait littéralement valdinguer en stage d'Aïkido alors que je n'avais qu'un an de pratique. Moi, un grand escrogriffe de 1m90 et un peu plus de 80 kg. Pareil pour une japonaise menue et toute douce lors d'un stage en Suisse mené par, si je me souviens bien, Moriteru Ueshiba himself. Alors pourquoi mettre de la force? Exprimer sa joie colérique de casser/couper/contrôler l'autre? Jusqu'au jour où "ça ne passe pas". Niveau enfant de 10 ans, à moins que ce ne soit une joie à tendance destructrice de passer ses nerfs. Sauf que l'objet de la colère n'est le plus probablement pas la en face de soi. La colère rentrera peut-être en soi, c'est tout. Mauvaise cible. Peur d'échouer à passer la technique et envie de progresser plus vite? Un peu comme s'il était plus important de "passer la technique" que de résorber le ou les blocages au réel progrès. Sorte de cache-cache en somme? Probable... Peur pour son intégrité physique et psychique? Bourriner dans l'objectif de ne pas se faire déborder, forcer ou faire mal (=>se faire mal en iaido, le comble!) dans l'objectif de ne pas avoir mal soi-même? Très très probable. On touche d'ailleurs ici un point fort de certains films tels que fight club ou wanted. Et pourtant, la meilleure réponse à chacune de ces attentes n'est pas la force brute...

 

Réactions viscérales, enfin : le livre de Durix remue en moi les souvenirs d'un bout de chemin que j'ai eu parcouru il y a huit ans. Jusqu'au point d'orgue du châpitre "Kiri" : couper.
Chemin irrésolu, dont sensation de frustration, de décalage entre tatamis et vie (en praticulier professionnelle), de tristesse à constater qu'on ne sera jamais que médiocre ou moyen (même en mettant les bouchées doubles), et puis, que faire avec la partie morbide inhérente aux arts martiaux? Sans elle, cela revient à purement faire la majorette. Autant se cantonner à la danse... Avec cette dimension morbide vient de pair le lourd sens de la mortalité, de l'aliénation. J'apprends de Durix que Mishima, d'une certaine façon, a cristallisé là.
Magma émotionnel prenant le poids du plomb. Jusqu'à la légère nausée où l'envie est bel et bien perdue, la lassitude, l'abandon. Et sujet difficile à discuter avec des senseï qui ont tout un dojo à faire tourner. Aujourd'hui, nouveau chemin, mais, forcément, proche de l'ancien. Ce nouveau chemin, terminera-t-il de la même façon? Comment Durix a-t-il géré cela en pratique?... L'on verra. Dans le chapitre suivant peut-être...

 

Beaucoup de choses se résorbent ou s'expliquent par et dans la pratique. Et ça tombe bien, ce soir, nous avons Aïki!

Publié dans Arts martiaux

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A
Je crois que je vais me mettre à la recherche de ce bouquin pour comprendre tous les sentiments qu’il a pu interpeller en toi.
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